Jakob Amman
Jacob Amman, né le 12 février 1644 (?) à Erlenbach im Simmental, mort
avant 1730 (?) probablement à Zellwiller, Alsace, est l'un des
principaux leaders du mouvement religieux anabaptiste et fondateur du
mouvement amish qui s'est installé à Sainte-Marie-aux-Mines en 1696
venant de Suisse où ses disciples furent persécutés.
Jakob (ou Jacob) Amman serait né dans le canton de Berne. Sa date de
naissance exacte n'est pas connue. Certains pensent qu'il a vu le jour
le 12 février 1644. Il était le fils de Michael Amann et d'Anna Rupp.
Avant 1693, il aurait vécu à Steffisburg ou dans les environs, son
père faisant partie probablement déjà des anabaptistes d'Erlenbach.
Dans le cadre d'une vaste émigration des anabaptistes du canton de
Berne consécutive aux persécutions religieuses, il s'installe en
Alsace. À partir de 1696 il viendra s'installer à Sainte-Marie-aux-
Mines et signe le 27 février une pétition contre le service militaire
obligatoire. À force de travail, les Amish achètent de grands domaines
dans toute la vallée. Ils contrôlent la production de bois et
exploitent quelques moulins. Cette prospérité fait des jaloux. En
1712, Louis XIV promulgue un décret d'expulsion. Les Amish se
dispersent dans toute l'Alsace jusqu'en Lorraine. Jacob Amman reste
sans doute en Alsace, mais on perd sa trace. Sa date de décès n'est
pas précisément établie. Son nom figure sur une liste datée de 1708
que les Mennonites ont signée, à l'invitation des autorités d'Alsace.
Un document de 1730 mentionne que le baptême de sa fille a eu lieu
après son décès. Ces deux dates de 1708 et 1730 encadrent donc celle
de son décès. Il aurait été tailleur, comme son père.
Les différentes branches des anabaptistes
Les anabaptistes furent divisés en deux branches. Thomas Münzer et
Jean de Leyde firent partie de la première tendance qui ne reculait
pas devant l'usage des armes pour défendre leur religion. La seconde
branche tire son origine de Menno Simons qui détestait les armes. Les
disciples de Menno Simons refusèrent de combattre en 1534 pendant la
guerre en Westphalie et en Hollande. Les anabaptistes d'Alsace se
disent Mennonites de Menno Simons ou Mannistes de Felix Mantz (de),
l'un de leur martyrs. Les cantons de Berne et de Zurich ayant ordonné
à tous les anabaptistes de quitter le pays ou d'embrasser la religion
de Zwingli ou de Calvin, ils n'eurent pas d'autres choix que de
s'installer ailleurs. La plupart se réfugièrent dans le Palatinat ou
en Alsace sur les terres des Ribeaupierre peu avant la guerre des
Suédois. Il y avait des anabaptistes établis dans 16 villages du
diocèse de Strasbourg et ils formaient environ 62 familles. Les lieux
des assemblées se déroulèrent à Baldenheim, Ohnenheim, Jebsheim ou
Sainte-Marie-aux-Mines. Les anabaptistes d'Alsace se réunirent le 4
février 1660 à Ohnenheim pour délibérer de leur profession de foi. Au
cours de cette assemblée ils approuvèrent la profession de foi
allemande faite à Dordrecht en Hollande le 23 avril 1623 et la
profession de foi française à Amsterdam en 1630. Il existait alors
trois ministres de la communion anabaptistes établis à Mussig et à
Heidolsheim. Après la guerre de Trente Ans une autre vague
d'anabaptistes s'établit en Alsace, parmi lesquels Jakob Amman qui
allait fonder une nouvelle branche appelée Amish.
Les anabaptistes d'Alsace
Le royaume des anabaptistes avec Jean Boccold de Leyde originaire de
Munster s'est terminé avec la mort de ce dernier en 1535. Il avait
jeté les bases et principes de leur doctrine aux Pays-Bas. Quelques
uns se sont établis en Alsace et y ont conservé les coutumes et
traditions, notamment sur le baptême. Mais par un changement bien
étrange, cette secte, qui connut une origine factieuse et plutôt
brutale est devenue singulièrement pacifique. Les anabaptistes
considèrent comme un crime le fait de faire la guerre ou d'exercer des
emplois civils se rapportant à la guerre. Ils se consacrent
entièrement à l'agriculture, à l'industrie et à la charité. Ils
semblent vouloir faire à la société une sorte de réparation des
violences commises par leurs fondateurs.
Les anabaptistes d'Alsace suivent la doctrine des anabaptistes
pacifiques, appelés Mennonites, de Mennon, curé dans la Frise, qui
devenu évêque des anabaptistes après l'extinction de leur royaume de
Munster en prenant la succession, obtint en peu de temps un large écho
et essaima en Frise, Westphalie, en Gueldres, en Hollande, dans le
Brabant et en divers autres lieux. Les Mennonites se divisèrent
ensuite en différentes parties, surtout après le décès de Mennon. Ils
s'assemblèrent en synode en 1632 à Dordrecht pour essayer de se
rassembler en faisant un traité de paix qui fut signé par 151
Mennonites. Les anabaptistes d'Alsace souscrivirent en 1660 à la
confession de foi des anabaptistes flamands. Les anabaptistes d'Alsace
reconnaissent la divinité de Jésus-Christ et affirment qu'on ne doit
obéir ni à l'Église, ni aux conciles, ni à aucune assemblée
ecclésiastique. Ils rejettent le baptême des enfants. Ils soutiennent
qu'aucune Église ne doit se prévaloir d'être la vraie Église par
rapport aux autres. Ils reconnaissent la nécessité d'obéir aux
magistrats.
Des descriptions anciennes de leurs coutumes exposent : on n'accorde
le baptême qu'aux personnes d'un âge mur.
Ils demandent aux membres de renoncer à la magistrature et qu'ils
renoncent à tout faste et à toute la pompe de Satan.
Le prosélyte doit être digne pour admis au rang des frères.
Les anabaptistes d'Alsace reçoivent la cène deux fois l'an. C'est dans
un poêle d'un ancien, qui sert alors de réfectoire, que l'on se
rassemble pour participer aux mystères. La cérémonie commence par la
lecture de l'Évangile en langue vulgaire. Un des assistants fait
ensuite un sermon puis on va porter à chacun des frères un morceau de
pain. Tous le reçoivent dans leurs mains, qu'ils tiennent tendues,
tandis que le prédicateur prononce « Prenez, mes frères, mangez et
annoncez la mort du Seigneur ». Tous mangent alors le pain. L'ancien
va ensuite de rang en rang avec sa coupe, et le prédicateur dit : «
Buvez au nom du Christ, en mémoire de sa mort ». Tous boivent alors
dans le calice et demeurent ensuite dans une sorte d'extase, dont ils
ne sont tirés que par les exhortations du prédicateur, qui leur
explique les effets que doit produire en eux le mystère auquel ils
participent.
Les anabaptistes n'ont guère d'autres exercice de religion que la
réception de la cène. Quand il y a dans le village plusieurs familles,
ils se rassemblent les dimanches dans l'une ou l'autre maison, pour y
faire entendre des sermons, sans ordre du jour ou préparation.
Les anabaptistes habitent toujours à la campagne, dans les terres des
seigneurs, qui trouvent leur intérêt à leur donner des fermes parce
qu'ils rendent toujours aux propriétaires plus que ce que leur aurait
produit un fermier ordinaire.
Les mariages ne sont pas pour eux un centre d'intérêt particulier. On
ne rencontre aucune différence de règlementation à ce sujet par
rapport aux autres sectes anabaptistes.
On ne punit chez les anabaptistes d'Alsace les infractions que par des
peines spirituelles, telles que l'interdiction d'assister à la cène.
Les anabaptistes d'Alsace rejettent les principes rigides de Calvin
adoptés par la plupart des réformateurs, et suivent à peu près les
règles radoucies que les luthériens ont pris de Melanchthon.
Les anabaptistes portent la barbe, leurs souliers sont sans boucles et
leurs habits sans boutons.
Ils semblent rechercher avant tout les coins les plus reculés des
massifs vosgiens.
Constitution du groupe amish en Alsace
En 1693, Jakob Amman se brouille avec Hans Reist et Benoît Schneider,
autres leaders du mouvement anabaptiste suisse sur ce qu'il considère
comme un manquement de la discipline de l'ensemble de la congrégation
mennonite. Pour illustrer son propos il avance le fait que des membres
de la secte anabaptiste ont été baptisés après avoir quitté la
communauté. En 1693, après des désaccords entre Hans Reist et Jakob
Amman, les disciples de ce dernier quittent la communauté des
anabaptistes suisses et fondent un nouveau mouvement qui prendra le
nom de Amish. Le mouvement anabaptiste se sépare en deux composantes :
les mennonites plutôt modernistes et intégrés, et les Amish, plus
conservateurs.
En 1693, Jakob Amman entame une vaste réflexion sur la discipline dans
l'Église et la pratique du lavement des pieds. Il parvint à
transmettre ses convictions à son entourage. C'est après son arrivée
dans le Val de Lièpvre que le schisme du "Patriarche" fut consommé.
De 1694 à 1696, une soixantaine de nouvelles familles s'installèrent
dans la vallée de Sainte Marie-aux-Mines. En peu de temps, elles
formèrent un quart de la population. Les Ribeaupierre avaient choisi,
semble-t-il, de diriger le flux des anabaptistes vers la vallées de
Sainte-Marie-aux-Mines. Ils s'installèrent chez différents habitants
de la vallée. Cette arrivée massive de Bernois bouleversa l'équilibre
confessionnel, alors que l'administration française tentait de
favoriser la religion catholique, alors religion d'État. Le berceau de
la majorité des anabaptistes de Sainte Marie-aux-Mines est Steffisburg
ou les proches environs.
Avant de se rendre en Alsace, Jakob Amman était vraisemblablement
ministre à Steffisburg ou dans les alentours. Amman a été fortement
influencé par les croyances des mennonites néerlandais qui ont
institué le lavement des pieds deux fois l'an dans le cadre de la
cène, pratique qui a été abandonnée par la communauté suisse. Il a
également instauré l'obligation de la cène deux fois par an au lieu
d'une fois comme cela était exigé par la communauté des anabaptistes
suisses. Plus tard au cours de son existence, Jakob Amman est venu à
regretter le schisme et a tenté de renouer les contacts avec le
mouvement anabaptiste suisse, apparemment sans succès.
La plupart des Amish sont restés en Europe jusque vers la Révolution,
alors que les mennonites dans leur ensemble s'installèrent en
Amérique. Par la suite une partie de la communauté amish encore en
Europe a rejoint la communauté des anabaptistes aux États-Unis.
Itinéraire de Jacob Amman
Les Ribeaupierre avaient accueilli de nombreux anabaptistes à la fin
de la guerre de Trente Ans. Ils feront souche dans des villages
dépendant des seigneurs de Ribeaupierre en Alsace dont Heidolsheim,
village situé près d'Ohnenheim non loin de Sélestat ou encore
Jebsheim. Le village d'Ohnenheim occupait à cette époque plus de la
moitié de la population anabaptiste. Ce n'est qu'à partir de 1693 que
les réfugiés du canton de Berne se fixent massivement à Sainte-Marie-
aux-Mines en se réfugiant un peu dans les fermes à l'écart de la
ville. Son surnom, Amy, devient son nom familièrement employé par la
communauté amish de Sainte Marie-aux-Mines.
Auparavant on trouve leur trace dans la plaine d'Alsace dans les
fermes et moulins des seigneurs qui leur avaient été confiés. Au
moment du schisme, il existait cinquante-deux familles anabaptistes
dans la plaine et dix dans la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines. Ses
compagnons du début, Hans Bachmann et Jacob Kleiner se réfugièrent
dans la plaine d'Alsace et furent appréciés par les seigneurs de
Ribeaupierre. Au décès de Michel Amme le village catholique
d'Heidolshem refusa son inhumation car il était étranger et
anabaptiste de surcroît ; sa dépouille fut transportée à Baldenheim à
cinq kilomètres du lieu. On peut donc penser qu'après la mort de son
père, Jacob Amman se rendit à Sainte-Marie-aux-Mines où il se fixa
dans le hameau de la Petite-Lièpvre et où il demeura jusqu'en 1712.
L'expulsion des anabaptistes d'Alsace
En 1712, M. de la Houssaye, intendant d'Alsace reçoit un ordre
d'expulsion de Louis XIV qui demande le départ de tous les
anabaptistes d'Alsace, mais cet ordre fut imparfaitement appliqué. Il
écrivit le 9 septembre 1712, aux baillis, de prévenir tous ceux qui
sont dans leurs bailliages.
Malgré ces avertissements, souvent réitérés, une partie des
anabaptistes restèrent en Alsace.
M. de Harlay, intendant lui aussi signalait le 13 octobre 1727 aux
baillis, de lui envoyer un état aussi précis que possible de tous ceux
qui résident encore dans leurs districts, et de lui indiquer les
occupations et les commerces qu'ils entretiennent.
Sur les états des anabaptistes d'Alsace adressés le 24 novembre 1727 à
la cour par le maréchal Du Bourg, commandant en chef d'Alsace, et par
M. de Harlat, intendant, d'Angervilliers, ministre et secrétaire
d'État, écrivit le 7 juin 1728 au premier : « que sur le compte-rendu
du roi, sa Majesté a bien voulu, quant à présent, et pour ne point
faire trop de peine à plusieurs personnes de considération, auxquelles
ils appartiennent, ne pas se porter à les faire chasser de province,
comme a règle l'exige, à condition cependant que le nombre reste
stable. Lorsque les enfants auront atteint l'âge de raison, les pères
et mères sont tenus de les envoyer hors du royaume, sous peine pour
ceux qui contreviennent aux règles, d'être chassés à leur tour ».
Malgré ces lettres, les anabaptistes vont présenter un mémoire auprès
du duc de Choiseul, ministre et secrétaire d'État, tendant à obtenir
une dérogation pour l'Alsace et d'être exemptés de la prestation du
serment de justice dans sa forme ordinaire.
Ce ministre renvoyant ce mémoire à M. de Blair, lui écrivit le 6 avril
1766, une lettre dans laquelle il rejette la demande, arguant du fait
que cette religion n'a pas fait partie des arrangements adoptés par
les traités de Westphalie du 24 octobre 1648 qui rattachait l'Alsace à
la France.
Le duc de Choiseul écrivit le 9 septembre 1766, une seconde lettre,
dans laquelle il dit que le roi, non seulement a rejeté la requête des
anabaptistes d'Alsace, mais qu'il le charge de faire savoir que s'ils
s'avisent de tenter pareilles démarches et de ne pas rester discrets,
ils se mettraient dans le cas d'être expulsés du royaume.
Cette décision n'a cependant pas découragé certains anabaptistes,
l'attachement à leur foi étant plus fort que leur soumission.
Cette loi ne leur permet en effet que de répondre oui sur le
formulaire du serment proposé par le juge et leur défend de lever la
main, parce qu'ils croient que ce serait provoquer Dieu, ce qui
serait, selon eux, une impiété plus grande encore à faire suspecter
leur foi.
C'est en fonction de ce non-respect de la loi qu'un certain Jacques
Frey, anabaptiste demeurant à Durrenentzen fut assigné à comparaître
devant le commissaire du Conseil Souverain d'Alsace pour déposer comme
témoin dans une enquête auquel il refusa de prêter serment.
Persistant dans son refus, un arrêt du procureur général du roi le
condamna au bannissement perpétuel et à une amende de 10 livres. Le
premier président ayant rendu compte de cet arrêt à M. le duc de
Choiseul, celui répondit le 10 mars 1770 que Sa Majesté avait
entièrement approuvé les motifs et les dispositions de l'arrêt rendu
et qu'elle avait déclaré que son intention était que les anabaptistes
ne pussent, sous quelque prétexte que ce fut, être dispensés de
l'exécution des lois générales du royaume en matière de serment.
Les anabaptistes, dans les paroisses où ils se trouvent, doivent payer
aux curés catholiques les droits de mariage, de sépulture, et autres
dépenses incombant aux catholiques.
Ainsi ils contribuent pour leur part aux frais de la paroisse, dont la
répartition est faite à l'ensemble des paroissiens qui sont
notamment : l'entretien de la tour, de la nef et du cimetière de
l'église paroissiale.
Ils sont aussi obligés en vertu d'un arrêt du Conseil souverain du 27
septembre 1747 de payer la rétribution que tous les paroissiens sont
tenus de fournir au maître d'école, quoique, suivant les préceptes de
leur religion, ils ne puissent y envoyer leurs enfants.
Nombre des anabaptistes en Alsace en 1685
Les lieux où ils étaient implantés et le nombre de ménages figurent
dans le tableau ci-dessous13. Après le schisme des Amish, la grande
partie des anabaptistes d'Alsace se rangèrent sous la bannière de
Jacob Amman.
Ville ou village Feux ou ménages
Artolsheim 1
Baldenheim 8 lieu d'assemblée
Mussig 4
Heidolsheim 4
Bœsenbiesen (Bessenbiessen) 2
Ohnenheim 9 lieu d'assemblée
Mackenheim (Maggenheim) 2
Elsenheim 1
Grussenheim 1
Jebsheim 7 lieu d'assemblée
Kunheim (Kuenenheim) 4
Wihr-au-Val 3
Ostheim 1
Dinsheim-sur-Bruche 4
Illhaeusern 1
Sainte-Marie-aux-Mines 10 lieu d'assemblée
Total 62
Il semble aussi qu'il y avait quelques anabaptistes à Neuf-Brisach et
d'autres s'établirent au Climont où l'on peut encore apercevoir un
ancien cimetière en friche où ils reposent à côté de tombes plus
récentes.